Georges Truffaut

Georges Truffaut nait à Liège le 22 décembre 1901. Sa carrière professionnelle débute comme secrétaire de rédaction au journal La Wallonie, où il défend ses convictions socialistes, wallonnes et antifascistes. Il devient le secrétaire de l'Union socialiste communale de Liège, préside la section Liège Namur du Syndicat des employés. Simultanément, en tant que figure marquante de la Ligue d'Action wallonne dont il est un des fondateurs, il écrit d'abondants et retentissants articles dans le périodique du même nom, l’Action wallonne.

Conseiller communal socialiste en 1932, il devient échevin des travaux publics en 1935, puis député de Liège en 1936. En tant qu’échevin des travaux publics, il est à l’origine de la construction, entre autres, du lycée Léonie de Waha ou des bains de la Sauvenière, devenus aujourd’hui la Cité Miroir. On lui doit aussi la fondation du port autonome de Liège et la mise sur pied de la Grande Exposition internationale de l’Eau de 1939.

En 1938, il crée l’Association le Grand Liège, dont il est le premier président. Elle est destinée à garantir la cohésion entre les forces vives liégeoises et à assurer le rayonnement de la métropole.

Député, membre de la Commission des Finances, Georges Truffaut réfute les remèdes des gouvernements en place pour enrayer la dépression économique : déflation et dévaluation (1934-1936). Ses contre-propositions visent à assujettir les institutions financières aux pouvoirs publics.

La question wallonne l’interpellera toute sa vie. Avec Fernand Dehousse, il prépare un projet de réforme de la Constitution visant à transformer la Belgique en un Etat fédéral.  Ce texte est déposé à la Chambre, avec sa signature, celle de Joseph Martel et de François Van Belle, le 1er juin 1938. On y prône le fédéralisme à trois régions (Wallonie, Flandre et, au moins, l’arrondissement de Bruxelles) qui remplacent les provinces, la fixation définitive de la frontière linguistique par des référendums au niveau des communes, la parité Wallons/Flamands à la Chambre fédérale. Les régions perçoivent les impôts et ont pour compétences l’enseignement, la législation sociale et industrielle, les travaux publics, les eaux et le maintien de l’ordre. Le choix de la politique étrangère doit être soumis au vote d'une majorité des deux tiers du pays…

Georges Truffaut s’oppose aussi violemment à la politique de neutralité du Gouvernement, qui souhaite se tenir à égale distance de la France, de l’Angleterre et du régime nazi, ce qui implique des concessions à l’extrême droite et au mouvement nationaliste flamand. Il combat la décision proclamée en 1936 par Léopold III de rompre les accords avec les alliés de 1914-1918 en faveur d'une politique d'indépendance. Le choix d'une neutralité intransigeante pour répondre à la menace nazie provoque la multiplication de ses mises en garde. Il démontre l'inéluctabilité d'une agression hitlérienne dont la Wallonie sera la première victime.

Fin des années 1930, impuissant à convaincre le pouvoir politique de la nature criminelle du nazisme, il réclame sa réintégration à l'armée. Il aurait dû devenir bourgmestre de Liège, mais ce vœu du Conseil communal liégeois lui est communiqué alors qu'il est déjà mobilisé comme capitaine de l'armée belge.

En mai 1940, après la défaite de l’armée belge, il rejoint Londres  où il remet aux autorités anglaises et à Winston Churchill un memorandum visant notamment à faire revenir de France les unités combattantes belges, ce qui sera réalisé en 1943 avec les Forces belges de Grande Bretagne ou la Brigade Piron.

Un autre projet exposé dans son mémorandum à Churchill se base sur une information secrète : l'existence à Dakar de deux cents tonnes d'or monétaire de la Banque nationale de Belgique. Il y a, affirme-t-il, nécessité de reprendre possession du pactole afin de le faire contribuer aux besoins de la guerre. Truffaut réussit à se faire mandater par le Secrétaire d'Etat aux Colonies britanniques, Lloyd George, et par Camille Gutt afin de conduire une mission en Afrique, en Gambie, du 19 août au 23 octobre 1940. Il en ramène des documents comptables qui baseront l'action en justice internationale aboutissant à la récupération par la Belgique de son stock d’or.  

À son retour au Royaume-Uni, la donne est transformée par la réunion des quatre ministres reconnus dans le camp allié en tant que gouvernement légal de la Belgique occupée. La distribution des cartes n'est guère favorable à Truffaut, avec un Wallon catholique (Hubert Pierlot), un Flamand CVP (Albert de Vleesschauwer), un financier sans parti (Camille Gutt) et un Bruxellois socialiste (Paul Henri Spaak). Truffaut avait âprement combattu leur politique.

Son métier militaire l'éloigne de Londres. Commandant d'une compagnie squelettique, il va de cantonnement en cantonnement militaire, s'efforce quand même d'entraîner ses soldats. Il côtoie des officiers qui le narguent, disant que l'armée ne se battra que pour le Roi et le maintien de l'ordre en Belgique. Il dénonce aux ministres les dysfonctionnements et les lenteurs par le moyen d'une intense correspondance. Ceux-ci minimisent.

La liaison avec Liège a pu être maintenue en mai 1941 par son Discours aux Liégeois diffusé par la BBC, mais un texte destiné aux Wallons pour les fêtes de septembre ne franchit pas les exigences de la censure.

Le 3 avril 1942, un étrange exercice de lancer de grenades à Hereford dans le Pays de Galles provoque la mort accidentelle du capitaine Truffaut.