La lutte contre la pauvreté infantile, c'est aussi l'affaire des communes

En octobre 2019, la Fondation Roi Baudouin a publié les résultats d'une recherche sur la Pauvreté des enfants au niveau local. D'emblée, les auteurs de cette étude insistent sur la nécessité de prendre le problème à bras-le-corps : Les enfants représentent 21 % de la population et 100 % de notre avenir. Or, on sait qu'un enfant qui grandit dans un milieu précarisé a une forte probabilité de devenir à son tour un père ou une mère vivant dans la pauvreté. S'il ne reçoit aucun soutien, le développement de ses propres enfants sera freiné dès leur plus jeune âge par les contraintes que les privations imposent. Quand on sait qu'en Belgique plus d'un enfant sur six vit dans la pauvreté et qu'il faut en moyenne cinq générations pour que cette reproduction soit cassée, on réalise quel gâchis, quelle perte de talents et quel coût cela représente pour la société. [7]

Cartographie

Risque de pauvreté des enfants: Liège en quelques indicateursLa cartographie communale qui constitue la première partie de cette étude met en évidence la répartition inégale du risque de pauvreté infantile en Belgique. Elle est plus présente dans les grandes villes, et en Wallonie, elle se concentre notamment sur l'axe de l'ancien bassin minier, dont l'agglomération liégeoise fait partie.

Pour établir cette cartographie, les chercheurs ont dû faire preuve d’ingéniosité. Il existe bien un indicateur de déprivation infantile, développé au niveau européen, que la Belgique utilise au niveau national et régional, mais il n’existe aucune mesure de cet indicateur au niveau local. Un autre instrument d’évaluation de la pauvreté infantile est le Kansarmoede Index, développé par Kind en Gezin, l’équivalent flamand de l’Office de la Naissance et de l'Enfance en Fédération Wallonie Bruxelles. Pour Bruxelles et la Wallonie, la cartographie a nécessité le recours à des indicateurs indirects, qui concernent des aspects de la vie donc l’impact sur la pauvreté infantile est très élevé, comme :

  • la part de mineurs vivant dans un ménage sans revenus du travail ;
  • les revenus moyens par déclaration fiscale ;
  • la répartition des types de ménages (monoparentaux et biparentaux) ;
  • le pourcentage de bénéficiaires d’un RIS (revenu d’intégration sociale) ayant un ou plusieurs enfants à charge, par rapport au nombre total de ménages avec enfant(s).

Les données ainsi collectées ont permis d’établir des cartes dont on peut déduire des tendances générales, mais qui peuvent aussi servir aux communes pour imaginer et motiver les initiatives visant à lutter contre la pauvreté infantile, en actionnant des leviers adaptés aux points critiques locaux. Une version interactive des cartes, qui fournit les chiffres commune par commune, est consultable en ligne via https://www.kbs-frb.be/fr/cartographie_pauvreteinfantile.

Leviers locaux

La deuxième partie de l'étude présente, exemples concrets à l'appui, les leviers locaux, des actions qui relèvent des compétences des communes. En effet, même si les politiques structurelles aux niveaux fédéral et régional sont essentielles, les communes ont un rôle central à jouer dans la lutte contre la pauvreté infantile.

La commune a le pouvoir d’agir dans différents domaines propices à la lutte contre la pauvreté infantile : la garde d’enfants, l’éducation, le temps libre, le soutien à la parentalité, la santé, le logement et l’énergie, l’emploi et les revenus.

À titre d’exemple, nous retiendrons le domaine de l’enseignement : les autorités communales peuvent consacrer des moyens financiers pour réduire les coûts scolaires, intervenir dans les frais de scolarité, investir dans l’accompagnement (aide aux devoirs, ateliers de soutien à la scolarité) ou favoriser l’apprentissage de la langue par les enfants issus de l’immigration.

Quand de tels leviers locaux existent, il faut encore s’assurer qu’ils fonctionnent, en leur procurant un terreau favorable. Un point de départ important est que les ménages en situation de pauvreté puissent exercer leurs droits. On parle de non-recours ou de sous-protection quand ce n’est pas le cas. Que faire pour contrer ce phénomène bien connu ? Les services d’aide doivent se montrer proactifs pour toucher, informer et assister les bénéficiaires, les services de première ligne doivent être accessibles et flexibles, et enfin, les autorités locales ont un rôle important à jouer pour coordonner, créer ou faciliter des réseaux entre les acteurs concernés.

Enfin, dans leurs conclusions, les auteurs insistent sur la nécessité de rendre le citoyen précaire acteur et non victime de sa situation. Pour aider les enfants dans leurs parcours, il faut donc aussi échanger avec les parents et recueillir l’avis des principaux intéressés, les enfants eux-mêmes. Des conseils communaux de d’enfants et de jeunes existent déjà dans certaines communes, mais les plus précaires y sont-ils inclus et écoutés ?

 

Source :

Pauvreté des enfants au niveau local : Cartographie communale et leviers politiques [Willy Lahaye, Isabelle Pannecoucke & Florian Sansen, Fondation Roi Baudouin : octobre 2019]